le lit superstudio jour 4
Solitude partagée
COUPLET Valentine - LESTRADE Pauline - STIEGER Christelle
COUPLET Valentine - LESTRADE Pauline - STIEGER Christelle
La grande ville m’a appelé. J’ai pris goût aux voix humaines, aux rumeurs des villes qui montent haut dans le ciel, à l’odeur des pots d’échappement et aux lumières qui brûlent derrière les fenêtres jusque tard dans la nuit. Ce goût de la ville m’est venu très soudainement. Je m’étais habitué.e à ma vie rurale. La frugalité que m’offrirait mon habitacle me convenait tout à fait. J’ai par la suite migré dans un village de montagne. Très vite, les habitant·e·x·s m’ont conviés à les rejoindre. J’avais appris à parler grâce aux animaux. Le lynx parlait l’anglais, ainsi il m’a tout appris jusqu’aux règles de grammaire les plus tordues. Alors je pouvais parfaitement communiquer avec les gens du village. Cela dit, mon envie de me marginaliser prenait à chaque fois le dessus. Il m’était insupportable de rester plus de deux heures au sein d’un groupe. Beaucoup de chagrin me prenait à ces moments là, la solitude avait désormais une saveur aigre douce. Tant d’années j’avais savouré la liberté que offrait mon corps, mes mouvements. La désillusion abrupte m’a été difficile à accueillir. Un soir, un bruit étrange a parcouru mon corps. Le bruit a détoné jusque dans mon abri. Le drapé s’est mis à partir dans tous les sens. Il se dépliait et se secouait au gré de mes émotions. Ce jour là j’ai pris peur, peur de rester toute ma vie seul·e·x à exister dans cet habitat. J’ai décidé de partir plus loin, de me donner une seconde chance. J’avais pris courage et me mis à marcher jusqu’à la ville. Le drap se transformait en vélo lorsque la marche devenait trop pénible. Les jours de chaleur, j’émettais un geste du bras pour indiquer au drap de se remettre dans sa poche de rangement. Elle se trouvait sous la plate- forme quadrillée, et lorsqu’elle s’ouvrait le drap se déployait jusqu’à très haut. J’avais l’impression que je pouvais ainsi atteindre les nuages. Certains jours, les averses mouillaient l’intérieur. Le tissu s’est soudainement rendu imperméable. Lorsque le soleil revient et que je veux prendre l’air, des fenêtres se créent. Il s’agit de petits trous malléables. Une paix m’était revenue. Mes pas semblaient légers comme si je marchais sur un morceau de coton. Assoupi.e, je me suis très vite endormi.e dans les bras du drap. Au petit matin, un éclaircissement vint me réveiller. Je voulais accueillir des gens dans ma chambre. C’était décidé. Il m’était importait de vivre des rencontres ainsi, j’avais grandi au sein de cet abri et désormais je me sentais prêt·e·x. « Tu as le droit Sascha de partager cet espace avec les autres ».